Les chants s'élevaient en Loren, comme pour saluer l'aube qui venait tout juste de poindre. Des chants longs et mélancoliques, empreints de douceur et de profondeur, comme des sons extraits de l'âme même de cette forêt pour en exprimer à voix haute toutes les joies et les peines. Et sous ce chant entonné par la vingtaine d'elfes rassemblés en chœur sur le pourtour d'une sombre clairière, une personne dansait. Lentement, calmement, il enchainait tranquillement l'un après l'autre ses pas de danse, comme une chorégraphie détaillée instant par instant dans un temps presque figé. Désarmé, vêtu d'un seul page mettant anis à nue ses écarlates tatouages tribaux, le seigneur sylvain voué au dieu Lotec entamait un des nombreux hommages à son dieu par son intense démonstration. En effet, peu à peu, le ton du chant changea, commença à évoluer. Ses sonorités se firent plus profondes, plus sombres et plus amères. Puis les paroles repartirent sur des tonalités plus élevés encore, aux accents de ressentiment et de violence contenue. Alors que les propos des elfes s'élevaient jusqu'à faire frissonner le faite des arbres alentour, la danse de l'elfe solitaire s'accéléra de même, comme en harmonie parfaite avec les paroles. Deux longues épées finement ciselées venues d'on en sait où apparurent dans ses mains et accompagnent alors le moindre de ses gestes de leur accent tranchant. Se faisant plus prompt et virevoltant, Lotec décollait à présent du sol par de gracieux sauts périlleux suivis de passes d'armes sifflantes et grinçantes à chaque tonalité élevée du chant des siens. Finalement, sur un ultime jeté aérien croisé, l'elfe atterrit à genoux dans l'herbe verdoyante, ses deux lames croisées au dessus de sa tête, pointées vers le ciel tel un appel à la prière. Le silence total se fit alors, plus le moindre son d'une respiration ou d'un geste ne résonant sur les lieux.
L'instant suivant, les elfes sylvains rassemblés là partirent tous comme un seul homme dans la même direction. Le regard ferme et décidé, les feux de la vengeance couvait dans leur regard. Sur leur passage, la forêt elle-même sembla alors s'éveiller, s'animer alors que des formes humanoïdes végétales s'extrayaient de la nature pour se joindre à la marche des elfes, attirées et éveillées par le sinistre appel au sang de ces guerriers des bois. Et menant tout ce monde, se mouvant tout le long de sa marche comme s'il dansait encore et invitait dans sa ronde le moindre arbre qu'il contournait ou le premier buisson qu'il survolait, Lotec Syloïr s'en alla vers la guerre, sans un mot ni ordre, son seul sentiment de vengeance suffisant à donner l'ordre de la marche à tenir pour ses suivants. Ils ne reviendraient qu'une fois leurs armes teintées de sang et pas avant...